dimanche 19 juin 2011

Se perdre

Labyrinthe de la cathédrale de Chartres


Je me souviens qu'étant enfant, j'aimais me perdre.


C'est un travers étrange de la part d'un enfant. J'aimais m'égarer, perdre mes repères, jusqu'à ce que je sente l'"euphorie" de ne pouvoir retrouver mon chemin, l'euphorie de la peur, de me sentir "perdue".
Je ressentais un sentiment mêlé d'angoisse et de libération comme si l'espace de cet instant d'égarement, je sortais de ma vie, de ma personne, de mes limites. Bien sûr, je ne l'analysais pas ainsi; l'expérience me suffisait.


Aujourd’hui encore, je porte ce fantasme en moi, très présent.
Il y a une part téméraire en moi qui peut s'éveiller à tout moment pour briser les schémas névrotiques de l'habitude, de l'identité. un besoin de détruire ce qui a été construit. Ce n'est même pas une envie de "voyage" ou d'"ailleurs" mais un désir d'inconnu. Pas seulement changer de lieu, perdre des repères physiques, mais pénétrer d'autres idées, d'autres vies, des atmosphères nouvelles.


Je ne me sens jamais autant soi que lorsque je me perds.


Il est vrai que le vide qui survient au coeur du labyrinthe, cette solitude extrême, absolue que l'on ressent dans l'égarement, peut surprendre. Il se peut qu'un élan spontané de remplir ce vide survienne. Mais il faut abandonner toute idée de fuite car paniquer dans un labyrinthe peut s'avérer mortel.


On peut tenter d'appréhender la situation en remplissant ce vide par de l'émotion, par l'intellect ou par la compagnie d'autrui. Mais ça reste une fuite de soi. C'est un refus d'affronter la créature mi-Homme mi-bête au centre du dédale. C'est un refus de s'affronter soi. Seul, sans repères. Tel que l'on est une fois dépouillé de ses certitudes, croyances et autres quincailleries...


Mais l'erreur de Thésée, le héros du mythe grec, est son impatience. Il tue le Minotaure comme si il était l'ennemi alors qu'il n'est qu'adversaire, nuance extrêmement subtile qui échappe à l'orgueilleux (ou l'ego) mais s'entend dans l'étymologie de ces deux mots.(voir l'article précédent: Celui qui est sur l'autre versant...). Or l'adversaire est utile pour maintenir l'équilibre...


Pourtant, Ariane la fée lui avait fait don d'un fil précieux...

2 commentaires:

  1. Le Minotaure représente la part négative, l'ombre de la personne...il doit donc être rencontré, mais non tué...l'ombre est à intégrer et non à éliminer...
    Une fois intégrée, une fois l'adversaire "reconnu" et dompté, elle fera de nous un être "complet", plus équilibré, ayant accepté toutes les parties de lui-même, les avouables et les "moins avouables" !

    Perdre ses repères, c'est avancer dans la direction de ce que l'on ne connaît pas (de soi-même) et donc avancer vers cette complétude, cette entièreté...

    "Se perdre" pour mieux "se trouver" en fait !

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  2. Merci Licorne de ton analyse toujours fine et éclairée...cette part d'ombre que tu as explorée il y a peu!...

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