dimanche 31 juillet 2011

Divine blessure



Il y a une folle illusion à se vouloir à l'abri de tout, illusion soigneusement entretenue par la société moderne. De qui, de quoi peut-on se garder? de la malice du monde, de la trahison et des peines amoureuses? de la charge des ans, de la mort ignominieuse? Qui se pense assez puissant ou assez riche pour écarter le malheur? Le monde contemporain, qui ne parle que de bien-être, de bonheur, de santé et de sécurité, se trouve accablé d'une terrible maladie, la maladie de l'infantilisme.

Aussi n'invoque-t-il que ce mot magique qui trahit son effroi devant la fragilité et le trépas: "guérir".

Grâce à la recherche scientifique, grâce à telle plante,telle gymnastique, tel régime alimentaire, en recourant au besoin à la méditation, à la récitation de mantras et autres recettes zen ou chamaniques, la créature humaine peut se protéger de tout, et surtout oublier qu'elle est mortelle.

L'obsession de guérir anesthésie la conscience et étouffe le questionnement métaphysique.

Or, il n'est que deux façon d'être indestructible: soit à la façon d'une machine imperturbable que l'on entretient en changeant les pièces, en veillant sur le mécanisme; soit en découvrant son essence immortelle. La seconde voie est celle qu'indiquent et que nourrissent la philosophie véritable, les spiritualités de diverses traditions ainsi que les mythes qui sont des éveilleurs de conscience et des passeurs de sagesse.


Jacqueline Kelen - La blessure divine



Illustration: Ange blessé, 1903, Hugo Simberg

3 commentaires:

  1. Cet ouvrage fait justement partie de ma commande du mois avec L’Esprit de solitude, du même auteur ... Je l'attends avec impatience ! La souffrance est en effet un signal indiquant que l'harmonie intérieure est rompue. Il faut essayer de l'accueillir au lieu de vouloir l'éviter à tout prix, pour écouter ce qu'elle a à nous dire puis rectifier ce qui doit l'être. Plus facile à dire qu'à faire, j'en conviens, mais le fait déjà de considérer les choses de cette façon m'aide beaucoup personnellement à apaiser mes propres agitations et angoisses. Car après tout, la souffrance est inhérente à toute vie humaine, sinon comment la joie pourrait-elle surgir ?
    PS : Je souris à nouveau derrière mon écran face à la similitude de nos inspirations !
    Bonne soirée chère Nout.

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  2. Quand on commence à pressentir la force,



    la beauté de l'émotion,



    on s'aperçoit combien



    tous les systèmes de pensée spirituels sont superficiels.





    Les dogmes, les analyses, les savoirs,



    les fantaisies sur l'énergie et l'éveil,



    ne sont que des projections



    faites de misérables événements psychiques,



    lesquels ne sont que des étincelles de l'émotion profonde.





    Le besoin qu'a l'homme de codifier, d'expliquer,



    d'avoir un début et une fin, tout cet imaginaire,



    cet arrivisme pseudo-spirituel,



    ont créé les religions d'Orient et d'Occident.



    La plupart des gens sont incapables



    de faire face à leurs émotions.





    Ils ont trop peur de la folie.



    Ils se réfugient donc dans des systèmes où se trouver,



    dans des disciplines où se ressentir,



    dans des exercices où il leur semble se purifier.



    Là, ils ont le sentiment d'être de plus en plus quelqu'un,



    de maîtriser,



    de devenir de plus en plus spirituel.







    C'est parfait ainsi.



    Les fous ont besoin de garde-fou.




    A un moment donné, on réalise la légèreté de ces pseudo-savoirs.





    Eric Baret: « De l'abandon»

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  3. @Tempérance: oui moi aussi je souris face à tout ce qui nous lie! C'est troublant. Je n'ai cependant pas lu "Esprit de Solitude" même si je sais exactement quelle est la teneur et la valeur de cette solitude qui m'est si précieuse.
    Bonne lecture en tout cas!

    @Yog: il y a une différence très subtile:

    - savoir quelque chose qui vient de la mémoire, du mental, d'un enseignement quelconque et se l'approprier.

    - savoir quelque chose qui vient de l'être et le reconnaître soudain dans une phrase, un livre, un mot soufflé, le frisson des feuillages et se sentir soudain relié et libre...

    C'est cette différence qu'il est important de reconnaître.

    Merci pour ton passage et bonnes vacances à toi!:-)

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