Voilà un défi dans ce monde où tout semble nous aliéner. Ce monde flottant où les apparences sont comme des filets qui se resserrent un peu plus chaque fois que nous nous laissons berner.
Lorsque j'avais quinze ans, j'avais une tout autre idée de la liberté que celle que j'ai à présent. Je pensais de toute la force de mon jeune âge que la liberté était un droit et qu'elle consistait à faire ce que l'on désire.
Le désir était alors un moteur puissant. Une rage profonde m'envahissait quand quelqu'un ou quelque chose imposait des limites injustifiées à mes élans. Et plus la rage grandissait et plus les barr ières qui s'élevaient devant moi me semblaient infranchissables.
Jusqu'à ne plus supporter les limites du temps. Je me sentais prisonnière de tout. De ma famille, de mes études, de la société dont les règles me semblaient absurdes, des horaires à respecter, du manque d'argent, de la vie même. Je me souviens que ma chambre était tapissée non pas de photos d'idoles mais étrangement d'images d'oiseaux en plein vol. J'étais fascinée par les oiseaux. Au-dessus de mon lit, s'étalait l'affiche grand format du film d'Allan Parker Birdy, un film que je ne cessais de regarder le coeur serré. La folie du héros joué par Matthew Modine était aussi la mienne.
Tout comme la souffrance de l'Albatros de Baudelaire:
Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l’empêchent de marcher...
Puis j'ai été projetée dans la vie. Littéralement. Comme un oiseau tombé du nid. Je n'avais pas conscience à l'époque combien j'étais privilégiée. Combien tout ce qui me semblait injuste et irritant m'avait permis de grandir.J'ai du apprendre à voler. Et ça n'avait rien de romantique. Il a fallu résister aux tempêtes, aux brouillards, aux prédateurs qui croisèrent ma route.
Et ma vision du monde a changé. La souffrance a été mon premier guide. Elle a ouvert mes yeux. Il ne suffisait pas de faire ce q ue l'on veut. Il fallait d'abord savoir exactement CE QUE JE VOULAIS.
Et pour savoir cela, il a fallu chercher QUI j'étais. QUI voulait.
Je n'avais pas d'autre choix. Où je m'écrasais lamentablement. Où j'apprenais à jouer avec les vents. Comme l'aigle. N'est-il pas un symbole puissant? L'aigle ne bouge pas les ailes pour s'élever. Il n'a nul besoin de faire d'efforts. Il lui suffit de se laisser porter. De surfer sur les courants d'air.
Plus je voulais monter haut, plus je devais me laisser porter.
Lâcher le poids du passé, et bien d'autres choses encore qui m'encombraient, toutes les idées fausses que j'avais absorbées comme une éponge et qui n'étaient pas les miennes. Lâcher prise. S'alléger. Se contenter de l'essentiel.
A présent, je ne crois plus qu'être libre c'est faire ce que l'on veut. D'ailleurs je ne crois plus que la liberté aie quoique ce soit avoir avec « faire »...
La liberté c'est avant tout savoir qui on est. Ou plutôt connaître ce qu'est « être ».
Connaître que rien ne peut atteindre, restreindre, entamer notre être. L'essentiel de ce que je suis. Rien.
La limite n'existe que pour faire réaliser qu'elle 'a aucune prise sur l'être. Elle est un tremplin pour l'envol.
Bénie soit la limite. Bénie soit la souffrance, le chaos, la maladie. Bénis soient les tyrans de nous offrir l'occasion de nous libérer, d'accomplir ce que nous sommes. Des êtres essentiellement libres.
Être libre ne coute rien, ne demande rien, ne se gagne pas. Etre libre, c'est revenir à soi.
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