dimanche 6 mars 2011

La clé des songes

 

Salvador Dali - La rose méditative
Depuis toujours, comme je l'ai déjà évoqué ici, je rêve beaucoup, et je me souviens parfaitement de mes rêves la plupart du temps. Ils sont parfois aussi élaborés que le scénario d'un film. C'est pourquoi, j'ai longtemps collectionné les dictionnaires des rêves, cherchant le moyen imparable de décoder leurs messages. Il serait en effet bien pratique de pouvoir piocher dans le lexique d'un livre pour trouver la clé des songes. Mais la fonction du rêve n'est pas justement de pouvoir trouver à l'extérieur de soi les réponses à nos plus profondes questions.
Le rêve nous exhorte au contraire à exécuter une plongée en nous-même. Plus le rêve est marquant, plus il a quelque chose à dire. Plus nous avons quelque chose à nous dire. Mais quoi? Comment décoder ces situations, personnages, lieux qui n'obéissent pas aux lois habituelles de la vie quotidienne?
Toutes les réponses sont déjà en nous, encodées quelque part dans les profondeurs insondables de notre esprit, inconscient ou adn...Nous n'avons nul besoin d'un dictionnaire des symboles pour en connaitre la signification. Le symbole est une clé qui ouvre sur nous-même. Il s'agit simplement de l'écouter ou plutôt de s'écouter car le symbole en lui-même n'a aucune valeur. Ce qui a de la valeur c'est ce qu'il désigne, ce qu'il cherche à dévoiler tout en préservant la fragilité du mystère. Car le mystère doit être senti non appris intellectuellement. Il doit passer au travers de nos voiles pour parvenir à la pleine conscience, à la lumière comme un trésor enfoui dans les eaux profondes de l'océan qui reviendrait peu à peu à la surface.
Il ne s'agit pas d'"analyser" un rêve car ce serait comme disséquer un papillon pour en saisir la beauté. Il faut comprendre que le rêve est un reflet, un reflet de soi. Il suffit de se pencher sur son rêve pour entamer un dialogue avec soi. Le simple fait de désirer comprendre suffit parfois.
Voici ma méthode personnelle comme approche du rêve:
  •  En premier lieu, écrire le rêve que l'on vient de faire sans chercher à bien écrire. Il faut que les mots sortent spontanément car souvent, il y a des jeux de mots qui ressortent, des labsus. Ne pas hésiter à dessiner, griffoner, souligner, laisser apparaître tous les "accents" du rêve. Je date les rêves soigneusement pour ne pas les sortir de leur contexte (événements particuliers dans la vie du rêveur).
  • Relever le "squelette" du rêve, l'idée essentielle en titrant par exemple les paragraphe, ou en décelant les rouages du scénario (histoire d'amour, poursuite, voyage, quête etc...)
  •  Souligner les mots-clés, les éléments qui paraissent importants, symboliques, sans oublier de relever (comme en grammaire) qui est "sujet" du rêve, c'est- à dire "qui" parle, quelle part de soi...
  • Une fois ces mots-clés relevés, fabriquer son propre lexique. Ecrire tout ce que chaque mot nous inspire en laissant libre cours à son ressenti. Il faut pour cela faire silence et donner de l'attention à tout ce qui vient à l'esprit. Répondre aux questions: Que symbolise cela pour moi? A quoi ou à qui cela me renvoie-t-il dans mon histoire personnelle?
  • Chaque rêve est une source inépuisable de créativité. On peut si on a l'âme artistique peindre son rêve, le modeler, écrire un poème ou même le danser. Le dialogue entre Soi et soi est ouvert c'est à dire entre la part la plus profonde, cachée, silencieuse de nous-même mais hautement connaissante et la part la plus superficielle et consciente.
Il y a bien sûr plusieurs niveaux d'écoute du rêve parce qu'il a une structure holistique, c'est à dire qu'il peut y avoir plusieurs messages imbriqués dans le même rêve concernant des domaines très différents de notre vie (sentimental, physiologique, spirituel etc...). C'est pourquoi le rêve permet d'une part d'apprendre à "s'écouter", à développer nos capacités intuitives et d'autre part de mettre en conscience des choses qui peuvent nous guider dans nos vies quotidiennes. 
Avec le temps, on prend l'habitude de comprendre les rêves sans même passer par la mise en relief de ses rouages. La compréhension se déploie au fur et à mesure qu'on le lit. En effet le fait de l'écrire permet de mettre son "reflet" en face de soi et donc de mieux se contempler. 
Je vais prendre l'exemple du rêve que j'ai raconté précédemment et que j'ai intitulé: Les noces. Je ne vais pas l'analyser en entier mais reprendre quelques mots-clés afin d'illustrer ce que je viens d'expliquer:
J'ai rêvé d'une vallée verte et sauvage et d'une maison que j'avais là. Je me mariais avec un homme que j'aimais follement mais dont je n'ai pas vu le visage. Il y avait seulement le sentiment énorme dans mon coeur. La joie incroyable d'épouser cet homme. Les gens que j'aimais étaient rassemblés et on avait donné à lire un passage du Coran à un jeune homme de la famille. Et ce passage était tellement beau qu'avant même de rentrer dans la chapelle (!) je pleurais à chaudes larmes. Je pensais seulement au plaisir indicible de prononcer ce passage, le dire... Ces mots étaient tellement poignants, vivants! Ils décrivaient en peu de mots toute la beauté du monde...Cela parlait de colline, d'herbe fraiche, de ruisseaux... C’était sublime. Je pleurais sans m'arrêtais.
Le titre est déjà révélateur du message: Les noces signifiant l'union de deux êtres avec une connotation positive et spirituelle. Positive car cela évoque la fête, spirituelle pour l'évocation (personnelle) de Jésus invité aux noces changeant l'eau en vin. Ce passage des évangiles a une signification profonde qui introduit bien ce rêve. En effet changer l'eau en vin, c'est transcender la réalité. C'est regarder le monde non plus à travers le voile opaque de ses émotions, de ses pensées ou jugements mais le regarder tel qu'il est c'est à dire tel que Dieu l'a fait: dans toute sa perfection. C'est déceler le divin à travers toutes les limites de la matière, de la perception. Déceler l'infini, l'absolu au coeur du monde manifesté tel que nous le percevons c'est à dire avec toutes les limitations imposées. Derrière le seul mot de "noces", il y a l'amour, l'union, et la légitimisation d'une relation au sein d'une communauté. 
Vallée verte et sauvage peut évoquer une partie de soi qui reste encore à explorer (sauvage) mais néanmoins fertile. La vallée par sa fome évoque la profondeur, peut-être la sexualité, l'endroit sécurisant où il fait bon vivre...
La maison est censée dans l'analyse psychanalytique le rêveur lui-même. La maison est l'endroit qui nous abrite, c'est à dire le corps le plus externe de nous-même. Elle peut représenter l'image que l'on donne à autrui. Il reste à voir comment cette maison apparait dans le rêve. Est-elle délabréé, cossue, imposante, effrayante?...La maison est aussi l'endroit où l'on invite l'autre en soi. Quelle est donc notre capacité à l'ouverture (fenêtres, portes, cheminées), à l'écoute? Le rêve se déroule-t-il dans la maison ou à l'extérieur?
Je vous laisse continuer seul ce dialogue avec le rêve ne souhaitant pas dévoiler l'intime message que ces noces ont voulu me révéler...Intime et très beau message. 

2 commentaires:

  1. Bonjour Nout :-)

    J'ai lu avec intérêt votre rêve et ce que vous dites de votre façon d'aborder vos rêves. Je vous propose une lecture, hypothétique bien sûr, de ces noces très "numineuses". Je prête moi aussi attention à mes rêves, depuis longtemps.
    Une vallée verte et sauvage peut évoquer une féminité au sens large de ce mot (creux = yin), en croissance ou en potentiels de développements à venir (verte = pousses, etc.) et que l'on peut cultiver encore (elle est sauvage) ou peut-être aussi qui est assez libre, pas trop noyautée, pas sclérosée. La maison représente souvent notre personnalité, la "construction" de notre personnalité, la façon dont nous (nous) sommes construits s'y retrouve.
    L'homme 'sans visage', futur époux dont vous êtes follement éprise, peut évoquer l'homme intérieur, l'aspect masculin complémentaire au sein d'une personnalité féminine, cet aspect que C.G.Jung a nommé "animus", figure essentielle du monde intérieur d'une femme qui peut assurer, en tant que médiateur, la relation entre le conscient féminin et l'arrière-plan inconscient le plus vaste. Entrer dans un échange d'amour avec l'animus est ainsi essentiel pour une femme, tout comme entrer en relation d'amour avec l'anima est essentiel pour un homme. L'animus et l'anima sont pour l'homme et pour la femme les clés d'un élargissement de leur personnalité, de leur vie, de leur rapport au monde, de leur créativité, ce qui correspond, je crois, à la beauté et à la force évocatrice, voire créatrice, des mots du Coran dits dans le rêve.
    Les partenaires extérieurs concrets, compagnons ou compagnes, sont les "supports" de ces aspects intérieurs complémentaires de chaque sexe.
    Je suis tenté de faire une lecture du mot Coran "en langue des oiseaux", lecture phonétique s'attachant au sens second des mots, au delà de leur connotation habituelle. Je lirais donc : Cor en, c'est à dire 'cœur en', cœur dedans ou dans le cœur. L'amour en soi-même, au cœur de soi, sans passer par le partenaire extérieur, ce qui ne signifie pas que celui-ci n'a plus de place ou devient sans importance*, mais c'est que la relation est également engagée au cœur de soi entre l'aspect féminin conscient et l'aspect masculin intérieur (l'animus). Ce qui est une excellente chose en soi et explique "La joie incroyable d'épouser cet homme".
    Le fait que cet homme n'ait pas de visage peut souligner sa nature toute intérieure ou peut suggérer que c'est une première approche de cette réalité qu'est l'homme intérieur et que ce visage se dessinera de plus en plus nettement dans les rêves à venir, au fur et à mesure que cette relation s'étoffera.

    Amezeg

    * Une relation "extérieure" avec un homme peut sans doute se trouver induite, ou confirmée, ou valorisée, par la rencontre intérieure avec l'animus, et réciproquement.

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  2. Je ne sais qui vous envoie cher passant anonyme qui signe "Amezeg" mais vous semblez répondre à un questionnement intime, profond et étonnamment actuel.
    Votre lecture de mon rêve est limpide et correspond à mon ressenti de façon...fulgurante.
    A tel point que j'ai l'impression de vous connaître.

    Je vais publier en réponse à votre commentaire un nouveau rêve que j'ai fait il y a peu et qui a provoqué en moi le même trouble que celui-ci.

    Dans ce nouveau songe, comme vous le dites si bien, le visage de l'animus en moi s'est dessiné sous les traits d'un acteur connu; la forme du visage ayant peu d'importance par rapport à la douceur qui s'en dégageait...une douceur mêlée à une grande force.

    Pour revenir sur le langage des oiseaux, votre nom rappelle étrangement celui d' un homme "extérieur" pour lequel j'ai éprouvé et j'éprouve encore (ce genre d'amour ne peut s'éteindre, il grandit, se répand, nous transcende)ce genre de sentiment.

    Je prends cela comme un signe de plus qui s'ajoute à la finesse de votre analyse (qui se fait certainement en deçà du mental.

    J'espère que vous reviendrez par ici pour lire ce nouveau songe qui je l'espère vous "parlera" autant que le premier..

    Bien à vous...

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