Je viens de découvrir un nouveau koan du zen :
« Ce qu’il te manque, cherche-le dans ce que tu as. »
Et dans ce que tu es, aimerais-je ajouter...
(Extrait de la chronique d'Alexandre Jollien dans le Monde des Religions de mars-avril N°46.)
Dans tout koan coexistent la question et la réponse, l'Un derrière une dualité de surface, le paradoxe flamboyant qui court-circuite les chemins communs du mental et le pousse à puiser dans ses plus hautes sphères.
Ce koan qui pousse le jeune philosophe Alexandre Jollien à une réflexion très clairvoyante sur le rapport de l'être humain au manque, porte en lui-même une réponse flamboyante.
"Ce que tu es" est en fait identique à "ce que tu as". Réfléchissons. Que possédons-nous réellement et de façon permanente voire immuable à part ce que nous sommes?
Tout ce qui est extérieur (matériel) peut nous être enlevé. Même le corps. Que reste-t-il lorsqu'il n'y a plus rien?
Comme l'affirme le koan, la réponse est sous nos yeux. Le sens même du mot "spiritualité' est une réponse. Spiritualité vient du latin spiritus qui signifie lui-même souffle.
Que reste-t-il? Le Souffle.
"Recevez le souffle de Dieu, son Esprit Saint ! "L'esprit, c'est à dire, cette part transcendante de l'être, est à la fois ce que nous sommes et ce qui nous est donné: ce que l'on a. Pourtant, il est impalpable, inconcevable et insaisissable . Nous "avons" donc ce qui ne peut être saisi ni conçu que ce soit par la pensée comme par la matière. L'esprit est ce rien que nous possédons.
Que dit le koan qui intrigue Alexandre Jollien? Que ce qui nous manque à chaque instant de notre vie, "ce manque qui fait partie du paysage" et que le philosophe nous exhorte à accepter comme indissociable de toute existence humaine, ne peut être comblé, rempli que par "ce que l'on a".
Certes la première étape consiste à prendre conscience de ce manque. Surtout ne plus chercher à le combler par des moyens détournés, sens premier du péché. En effet, en hébreu, langue originelle biblique, le mot communément utilisé hatta't signifie manquer le but ou la cible. La traduction grecque puis latine a perdu ce véritable sens qui l'a transformé en acte de désobéissance à la loi établie.
Manquer le but ou la cible, voilà un manque qui engendre un autre manque comme le symbolise l'Ourobouros ou serpent qui se mort la queue, symbole d'une humanité prise au piège de son incapacité à trouver la source du manque.
Or ce koan donne la direction même du centre de la cible; exactement là où nous devons viser.
Je ne crois pas qu'il suffise d’accepter le manque comme faisant partie du paysage même si cette démarche peut être un premier pas. Je ne crois pas non plus en la recherche éperdue à devoir absolument combler ce manque car il est lui-même une déviation de la réalité, une belle mais évidente illusion. En effet, quelle absurdité de chercher ce qui est déjà là!
Quelle grâce de saisir le sens de ce koan, comme si nous avions soudain trouvé le mode d'emploi très simple d'un montage en apparence complexe... Quelle perfection!
Le koan nous révèle qu'en vérité ce manque n'existe pas puisqu'il peut être comblé simplement par ce que l'on a-ce que l'on est, c'est à dire, le Souffle, ce vide-Plein qui se trouve exactement au centre du soi, au centre de la cible...
Mais comme dans la pratique martiale du tir à l'arc, le Kyudo, l'art de "faire mouche" s'apprend et se cultive...
0 échos:
Enregistrer un commentaire