Telle est exactement la situation de l'homme: un petit enfant qui tenait son père par la main, qui est maintenant perdu dans la forêt.
Osho - Évangile de Saint-Thomas
La forêt dans les contes est un thème récurrent. On se souvient tous de ces histoires d'enfants perdus dans la forêt, du petit Poucet semant des cailloux à l'histoire de Hansel et Gretel, en passant par le Chaperon rouge ou Blanche-neige...
La forêt, avec tous les dangers potentiels qu'elle recèle, semble être le passage initiatique par lequel nous devons tous passer pour "grandir".
N'est-elle pas le domaine par excellence de toutes nos terreurs enfantines? Tanière du loup, demeure de la sorcière ou repère de l'ogre, les sous-bois grouillent de prédateurs voraces prêts à nous faire subir ce que nous redoutons le plus: mourir ou plutôt être dévorés, englouti par ces ténèbres menaçantes...
Je me souviens pour ma part du loup qui rôdait certaines nuits autour de mon lit d'enfant. Je sentais bien que, malgré tous mes cris, le ton rassurant de ma mère, ou la lumière du couloir laissée allumée, je sentais bien que je n'échapperai pas au loup.
Je ne pouvais pas échapper au loup car ce loup venaient des forêts profondes de mon être. Celles dans lesquelles peu à peu j'allais me perdre. Perdre mon innocence...
La forêt du conte est menaçante car elle est vide de toute présence amicale ou familière.
Vide et à la fois pleine de bruits, de mouvements, de créatures. Par la densité de son feuillage, elle nous coupe à la fois de la lumière du jour (ou de la lune) et d'une vue dégagée qui permettrait de trouver des repères sécurisants.
Elle est ce que l'on découvre une fois tombé du nid originel. Elle représente l'inconnu, l'inexploré, symbolisant autant le monde extérieur qu'intérieur (ce qui est la même chose dans le conte comme dans la conscience).
La forêt est aussi le symbole parfait d'un mental en friche, non maîtrisé, qui peu à peu, au fil des ans recouvre l'innocence première du nourrisson.
Réalisant alors qu'on a perdu le chemin de sa maison, la confiance des premières années durant lesquelles le petit être ne fait pas de distinction entre lui et le monde, disparaît pour laisser place à un sentiment de terreur sourde. L'être progressivement s'isole et n'a pas d'autre choix pour avancer que de s'enfoncer un peu plus dans les sous-bois.
La forêt est aussi un lieu assez sombre (la lumière ne nous parvient plus directement, mais filtrée par les branches) et un lieu où nous ne voyons pas très loin devant nous : nous ne voyons que les arbres qui nous sont proches.
RépondreSupprimerIl s'agit bien de notre situation à la sortie de l'enfance: nous nous retrouvons plus ou moins "dans le noir", accaparés par les êtres et les choses "proches", tout occupés à trouver notre chemin dans un univers pas si bienveillant et plein de dangers (adolescence et âge adulte). Il va falloir avancer, progresser, s'orienter, se défendre...
Mais, en même temps, si nous étions restés main dans la main avec notre Père protecteur, nous n'aurions pas évolué, nous serions restés un "appendice" de ce Père, nous n'aurions eu aucune indépendance.
La phase où l'on s'égare, où l'on se perd est donc indispensable : l'éloignement nous permet de faire nos propres expériences...de nous différencier ...et de faire usage de notre liberté.
Puis vient le jour où, ayant suffisamment exploré la forêt...nous rêvons à nouveau de lumière ...et de l'amour d'un Père.
Nous partons à sa recherche....
Cette fois, c'est en toute connaissance de cause, puisque nous "savons" ce que nous avons perdu et nous le recherchons consciemment...
Nous nous mettons , librement, à la recherche de la "lumière divine" qui nous manque cruellement...
Cette histoire est celle des contes, elle est celle de notre vie...elle est également celle de l'Humanité dans son ensemble...
L'être humain, enfant du divin, au fil du temps, s'éloigne de la Source, se perd, s'égare sur des chemins plus ou moins obscurs...puis prenant conscience de son égarement et de sa soif de lumière, revient au divin, enrichi de tout son parcours...
Sans doute sommes-nous d'ailleurs, dans l'histoire de l'Humanité, à ce moment crucial où nous sentons, de façon urgente, la nécessité du "retour"...
Une parabole résume magnifiquement tout cela : c'est une des plus belles de l'Evangile, et l'une des plus incomprises également, c'est la parabole de l'Enfant Prodigue.
Tu as bien saisi où je voulais en venir mais il y a un facteur indispensable à la prise de conscience, ce qui nous fait prendre le chemin du retour: la souffrance.
RépondreSupprimer:-)
Oui, la souffrance...c'est presque toujours elle, l'"aiguillon" qui nous met en marche...
RépondreSupprimerMais il y a aussi le "manque", le manque est déjà une souffrance à mon avis...