lundi 8 août 2011

Préserver le duvet des choses






Sagesse de la hulotte :


 « Je sais – parce que dans mon plumage très doux je reste longuement éveillée – je sais que tout vit mais que rien ne dure. Et moi, j’aime l’éphémère, les clins d’œil d’éternité. 


C’est comme cette étoile filante qui raie le ciel : elle illumine un bref instant puis disparaît. On l’aime d’être à ce point furtive, et sa beauté s’accroît d’être si vite menacée. Je vais vous faire un aveu : les dieux qui ne vieillissent pas, les héros immortels, les monuments destinés à franchir les siècles, les paroles historiques et les bustes de marbre m’ennuient un peu. 


J’ai un faible pour tout ce qui passe et s’efface : la buée, le sourire, le givre et les déclarations d’amour, l’insecte transparent qui ne connaît de toute sa vie qu’un lever et un coucher de soleil, les soupirs, la rougeur d’un visage timide, le parfum d’une violette froissée, les larmes de désespoir, les bonnes résolutions, les fleurs de mimosées... 


Rien de tout cela n’encombre la création. Sous mon bonnet de sage, la nuit dans le silence, j’ai tout le temps de méditer et la morale qui me convient tient en quelques mots : 


il faut préserver le duvet des choses et respecter infiniment le frisson des êtres. » 




Extrait de Psyché de Jacqueline Kelen
Illustration trouvée ici

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