Dehors comme dedans

George de La Tour

Qu'est donc ce féminin mystérieux et incompréhensible que bon nombre de spiritualistes forcenés ont fui comme la peste, que les hédonistes jouissifs ont porté au pinacle de toutes les gratifications de la luxure, que les troubadours ont chanté comme la substanciation de l'Esprit-Saint, que les poètes ont vénéré dans leur nostalgie des origines et que les visionnaires védiques ont comparé à l'aube, à l'immensité, aux lueurs et saveurs célestes, et à la pureté, que ni les dieux ni les hommes ne connaissent dans son essence?

Qu'est donc ce féminin omniprésent et engloutissant que les yogis tantriques craignent et invoquent à la fois jusqu’à en désirer être entièrement aspirés par son mystère, qu'une tradition aussi gigantesque que celle de l'Inde a fait éclore dans les multitudes arborescences du devenir?

Qu'est donc ce féminin qui ne demande qu'à s'épanouir en chacun de nous? 

C'est un récipient vierge mais toujours accueillant. Chaque goutte qui y tombe fait résonner toutes ses parties, comme si chaque goutte était un océan.

Comme si c'était le même et unique océan qui tombait dans chaque goutte.

C'est la capacité et l'acceptation d'enfanter la lumière de l’Esprit dans la substance douloureuse du monde, et de la nourrir inlassablement et sans attente de retour, avec la quintessence de la vie. C'est ce qui donne à la transcendance son immanence. C'est l'impérience sensible de l'être.

Parler du féminin intérieur est un pléonasme puisque par définition biologique le féminin est intériorité. Plonger corps et âme dans notre univers intérieur, n'est-ce pas être simultanément confronté à notre féminité? N'est-ce pas la raison pour laquelle beaucoup d'hommes machistes se cramponnent toujours à la surface d'eux-même, de peur de perdre leur identité masculine d'emprunt?

Jean Letschert