lundi 12 décembre 2011

La pietà de Botticelli

En réponse à cette vidéo publiée chez Tempérance, j'ai envie de crier oui!: "on ne sait rien de l'amour", heureusement. Si on en savait quelque chose, cela signifierait que l'amour peut être contenu dans une pensée, un livre ou même l'espace d'un seul coeur. Alors que rien ne Le contient et qu'Il se donne à tout.

Il n'existe qu'une condition à l'amour: être libre. Mais être libre, ce n'est pas être célibataire, se sentir seul, être dans le besoin. Besoin d'une épaule, d'une écoute, de chaleur, de sexe... Être dans le besoin c'est justement ne pas être libre. Or, pour cueillir l'amour, il faut pouvoir être libre de tout besoin.

Je distingue nettement le besoin du désir. Le désir est la nature véritable de l'être et de la vie; c'est l'élan permanent de l'être envers les autres (et donc lui-même). C'est un force d'expansion qui nous ouvre vers le potentiel infini de chaque instant; c'est le Souffle, le pouvoir de l'être humain qui accède à ses racines célestes...le désir n'a nul besoin d'objet puisqu'il est une expression naturelle de l'Être. La sagesse ne consiste pas à ne rien désirer mais à reconnaître sa nature comme essentiellement désirante. Chercher à combler le désir à partir d'un objet matériel c'est un peu comme chercher à remplir l'océan avec un dé à coudre.

Si le désir est libre et sans condition,  le besoin en revanche est une aliénation. L'être humain contrairement aux règne animal et végétal a les capacités de se libérer de ses besoins. Il  doit grandir en distinguant bien le besoin nécessaire à la survie du corps et le désir qui est sa propre nature. Mais nous assistons au contraire dans nos sociétés à une infantilisation de l'être humain, à une confusion malsaine qui consiste à utiliser notre nature désirante à des fins mercantiles et à transformer l'élan naturel du désir en un besoin avilissant. Désirer devient alors source de souffrance puisque la nature même du désir est de ne pas être comblée... Mais qui peut régner sur des hommes libres?...

Si la matière se nourrit d'elle-même pour exister qu'en est-il de notre nature désirante?...Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, l'Être ne se nourrit de Lui-même. Cependant, si l’Esprit donne vie à la matière  (ou si l’esprit se « fait » chair), on ne peut combler le Désir de l'être à partir de choses matérielles. Pour reprendre une expression de Jésus dans l’Évangile de Matthieu (XXII,21):

Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu. (Matthieu, XXII,21).
Jésus en affirmant ceci ne cherche nullement (interprétation lue récemment dans un article du Monde des religions intitulé "Jésus laïcise Dieu"...) à séparer l'état du religieux car Dieu est Tout, Il ne peut être séparé de quoique ce soit.

César représente ici la matière, et Dieu l'Esprit, le Souffle (Esprit=Pneuma) à l'origine de toute chose manifestée. Jésus montre bien ici que les deux principes ne peuvent être confondus non pas parce qu'ils sont séparables mais parce que l'un (César) dépend de l'autre (Dieu). L'un est forcément inférieur à l'autre, non pas sur une échelle de valeur mais à travers une échelle de principe.

D'ailleurs le premier mot hébreu de la Génèse Bereshit, traduit en français par "au commencement" signifierait plutôt: "au principe"...ce qui évacue soudainement tout idée de temporalité mais replace l'Esprit ou Pneuma     à la racine "permanente"de tout ce qui est.


10 commentaires:

  1. Dans son ouvrage intitulé "Amour, Religion, et chausse-trappes, un chemin d'ambroisie", Jacqueline Kelen a de très belles pages sur la nature du désir, sur cet éros que nos sociétés ont tour à tour diabolisé, évacué, refoulé puis dévoyé à des fins mercantiles comme tu le soulignes. On croit souvent à tort que l'Amour (surtout dans le couple) est une restriction de liberté, alors qu'idéalement il devrait être tout le contraire. C'est lorsqu'on est libérés de nos besoins en effet que l'on est libres d'être ce que l'on est, et capables d'accueillir l'autre de la même manière, sans rien lui imposer de soi. C'est un idéal difficile à atteindre et un équilibre encore plus délicat à maintenir chaque jour, tant nous sommes imparfaits ... Mais c'est ce chemin de perfectionnement incessant qui est à la racine même du désir d'Amour. Éros, anagramme du mot "rose", à contempler et à cultiver sans modération ;) !
    PS : ce tableau de Botticelli est justement d'un "érotisme" fou ... Excellent choix !

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  2. Bonjour, chère Nout,

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    Un fragment d'une oeuvre qui me rappelle un temps où j'employais mes heures à dessiner les peintures de ce merveilleux peintre que peut-être Sandro Botticelli. À la voir ici, j'ai déjà envie de m'y coller à nouveau, mais voilà, l'écriture a pris le dessus, sans doute que la poésie a autant de couleurs que toutes les peintures au monde.

    En tout cas, je te remercie de me plonger dans ce temps qui m'est cher tout aussi que celui d'aujourd'hui et de cet instant où il me plaît de te laisser ces quelques mots tout empreints de bons souvenirs.

    Quant à ton article, il est plein d'amour et de liberté, sa matière y donne à revenir pour exprimer forcément toute la joie que j'ai à affirmer que nul n'est plus précieux que l'amour que l'on donne à ses frères et soeurs de la vie.

    Merci pour cet instant merveilleux, avec toute mon affection, Jack.

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  3. Bonjour, chère Nout,
    L'amour est un beau sentiment, il est vrai. Mais de la même manière qu'un beau tableau (comme la Venus de Botticelli) fait ressortir une croûte comme laide, l'amour est indissociable de la haine. Les divorces nous montrent à quel point les deux contraires vont de paire. C'est pourquoi le sage se tient au milieux de la roue sans passion.
    Quand au désir, tu connais mon point de vue. Il ne faut pas confondre l'espoir et le désir. Le désir est une construction de l'Ego. Et Lao Tseu dit clairement que les désirs sont dangereux. L'espoir, lui va au delà imaginant que le conte de fée de l'Eveil arrive un jour...
    Bien à toi et en toute amitié, Oliver

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  4. @Tempérance: "C'est un idéal difficile à atteindre et un équilibre encore plus délicat à maintenir chaque jour, tant nous sommes imparfaits ... "

    Être sans besoin n'est-ce pas justement cesser de chercher à être...quelque chose?...

    être=>parfaits ou imparfaits revient au même jeu/je...

    Je crois que "ça" vient à partir de l'instant (qui peut être maintenant-tout de suite-sans attendre) où on lâche tout. On libère le désir, on suit le pas de danse de la vie, de l'univers, on s'accorde si bien à son rythme, que soudain survient l'impression de faire Un avec l'Un! ;)

    Alors la danse devient fluide, sans effort, source de joie.

    Depuis qu'adolescente j'ai visité Florence, je suis toujours éblouie par Botticelli...ce détail de la Piéta est pour moi éclatant de vie et de sens!

    Bien à toi! :)

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  5. @Jack Maudelaire: Malgré tous mes voyages, à perte de vue, la poésie finit toujours par revenir.
    Elle me surprend, à l'arrière des pensées, elle coule et si je ne tend pas les mains pour la recevoir, elle se disperse en moi et retourne au silence.
    Elle bat au rythme de ma tempe
    soulève ma poitrine d'une souffle nouveau
    distille chaque mot comme si il venait de naître
    La poésie seule mesure le monde à sa juste valeur...

    Merci pour ton silence et tous les mots qui en jaillissent.

    Au fait, j'ai adoré aussi le film: Le livre d'Eli...
    En particulier cette chanson qu'il écoute au coeur de sa profonde solitude:

    http://youtu.be/PO6Rknx5xyI

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  6. @Oliver: L'amour dont je parle n'est pas le contraire de la haine, ce n'est pas celui qu'on vit derrière un masque...
    Je sais combien le désir est douloureux...moi aussi j'en ai gardé quelques cicatrices mais...mais, le désir dont je parle est pure liberté.

    C'est la cadence même du Tao, la vie pure, insatiable nourrie du vide infinie.

    C'est cela que je suis, que tu es, que l'arbre, l'oiseau ou la montagne sont...et comme cela seulement, au minimum que je me dois de vivre. C'est un défi sans repos.

    L'indifférence du sage est un émerveillement sans masque. Indifférence à la raison et abandon total à ce qui danse là, maintenant.

    C'est une sorte de folie. Aucune recherche de confort ou de certitude. Aucune recherche. Ni même un espoir. Seulement un printemps qui ne cesse jamais de (re)fleurir:


    20 Jésus lui dit, Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des demeures; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête.

    Matthieu 8-20

    Bien à toi, Nout.

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  7. « La puissance de l'éros est, dans le principe, celle du désir infini de l'Homme pour son Dieu »

    Annick de Souzenelle

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  8. La Pietà de Botticcelli... Ah non Nout ! Trop c'est trop. Aïe aïe aïe... Décidément, tu veux me faire craquer !!! Mais "je" ne céderais pas ! Ah ah ah... rires

    Allez, blague mise à part, la beauté de ce tableau, mon Dieu... est indescriptible. Avec une oeuvre pareille, que l'on vienne pas me dire que le véritable Amour n'est pas Divin !

    Quant au message d'Oliver (que je salue), il m'a fait penser à cet écrit de Ramesh Balsekar :

    " Qu'est-ce que l'Amour ?

    L'Amour est la joie de la Présence, non comme "moi" mais comme "Je Suis". Présence d'instant en instant, non dans la durée. Dans la durée, "l'amour" devient une émotion personnelle. L'Amour ne peut-être ni personnel ni impersonnel. L'Amour ne peut avoir aucune limite, aucune barrière. L'Amour ne peut pas être pratiqué, cultivé ou provoqué. L'Amour peut seulement survenir. Et alors, ce n'est pas le frêle amour affectif. "

    ~ De la Conscience à la Conscience ~

    Extrait tiré de TOUT EST CONSCIENCE de RAMESH S. BALSEKAR, aux Editions Accarias l'Originel, collection Advaïta, p.58, pour la modique somme de 8,90 euros... Plus aucune raison de s'en passer !

    Bien à toi Nout, au plaisir de te retrouver, à bientôt,

    Une consoeur bibliophage...

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  9. @ Ma consoeur bibliophage: 8,90€ c'est peu pour une si grande sagesse. Merci de me partager à nouveau une si belle lecture chère passante. De Balsekar je n'ai lu que "les orients de l'Être"...

    En ce qui concerne le tableau de Botticelli, je rejoins Tempérance quand elle y perçoit un érotisme...mystique. Il est plein de sens et parle directement au Coeur.

    Pourquoi ne pas craquer? Pourquoi ne pas céder?...l'éveil n'est-il pas le "craquement" ultime? :D

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  10. Je sais bien très chère Nout, c'est du second degré...!!!

    Il y a aussi ces entretiens intitulés " Dans la gueule du tigre " chez Innerquest qui n'est pas mal du tout...

    Bien à toi Nout.

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