mardi 17 mai 2011

Qui suis-je?

Pablo Picasso. Portrait of Françoise.

Quelle importance, ce que je suis, ce que je fais. De tout ce que je pourrais dire, raconter, écrire, il ne restera rien. Que restera-t-il de moi en ce monde quand j'aurais fini mon temps? Il ne restera rien qui ne soit vraiment cela que je suis, car ce que je suis vraiment, je ne sais pas le dire, ni l'écrire, encore moins le raconter. Je ne peux m'éloigner de cela que je suis et le désigner, te dire, voilà ce que je suis. 

Alors je préfère ne rien dire, laisser les choses passantes, éphémères au non-dit, au silence. Je préfère te montrer ce que je vois, ce que je sens, car ce monde-là que je désigne et que j'aime d'amour, me ressemble sans en avoir l'air.

Oui, parfois la vérité est là où on ne l'attend pas. La vérité ou l'amour, même chose, même combat. L'incorruptible chose que l'on ne peut dire mais que l'on tente, par la contemplation d'un visage, d'une fleur, d'un poème, d'approcher, de surprendre, un peu comme un chasseur couché dans le taillis, qui attend depuis l'aube. Depuis longtemps. Une attente éperdue. 

Il ne faut rien dire, vivre sans dire, parce que tout ce qui franchira mes lèvres, tous les mots mourront à peine dit. Cela ne dépend pas de moi. Je veux bien être tout ce que tu veux. Je veux bien jouer tous les rôles, rire, pleurer, feindre l'ennui ou le dégoût. Mais au fond, derrière ce moi que je tend par convention, je suis tout autre. Je suis Joie. C'est indécent d'être Joie quand l'autre ne s'y attend pas. Cela effraie. C'est comme perdre pied, s'égarer au milieu de nul part. C'est le saut dans le vide.


Et pourtant, c'est se trouver, se rencontrer en l'autre. Découvrir ce secret, c'est se découvrir soi. Cela n'a pas de prix. C'est découvrir que ce que l'on attend est là, tout près, si près qu'on ne le voit même pas. Une lettre à soi-même qu'on cherche depuis toujours et qui est là, posée en évidence. Il suffit de se taire pour découvrir toute la richesse du silence. Il suffit de respirer pour sentir que l'on vit. Il suffit donc de rien. Vraiment. Pour se libérer de tout le poids des illusions.





Illustration: Portrait de Françoise, PICASSO, 1946. Ce portrait qui me ressemble m'a dit un jour un être aimé...ce regard que je ne pouvais porter que sur Lui...



4 commentaires:

  1. Ton texte me touche à un point que tu n'imagines pas ... Je me retrouve dans tes mots, peut-être aurais-je pu les écrire ? Dire devient en effet inutile quand on EST. Lorsque l'on est habité par soi-même, au-delà des morsures de l'ego et de ses mirages, lorsque la joie jaillit au milieu du désert intérieur telle une source intarissable. Faire de cette paix un état permanent ... Et la Rencontre avec l'Autre est enfin possible.
    Je ne connaissais pas ce portrait de Picasso, mais si en effet tu lui ressemble, tu dois être très belle. En tous cas je ne t'imaginais pas autrement.
    Je t'embrasse

    RépondreSupprimer
  2. Merci Tempérance,

    je te l'ai dit, nous nous ressemblons beaucoup, je l'ai compris en parcourant tes pages et tes mots...les rencontres ne sont jamais fortuites.

    Moi aussi je t'embrasse

    RépondreSupprimer
  3. Chère Nout
    A la lecture de ton texte, je n'en revenais pas : il me semblait m'entendre moi même...
    Chaque mot vibrait si profondément en moi, il me semblait qu'ils sortaient de moi

    Ensuite je vois le commentaire de Tempérance... et elle commence son commentaire en disant très exactement les mots que je voulais t'écrire...!!!

    Et concernant le portrait, tu l'avais déjà mis sur ton blog sous ton nom avant, non ?
    Je me rends compte que j'avais déduit (sans y penser ni le formuler à moi même) que c'était ton portrait ... et c'est donc ainsi que je te vois..

    Ce texte est vraiment spécial pour moi, une énergie particulière y est présente.
    Et il est d'une actualité troublante vraiment avec ce qui se développe en ce moment chez moi.

    Merci de l'avoir mis sur ton blog
    Merci pour ces belles résonances...

    RépondreSupprimer
  4. Roche, je suis très heureuse et touchée de ce que tu me dis. Si internet présente certains inconvénients non négligeables, on ne peut nier que cela permet des rapprochements qui auraient été impossibles autrement. La toile "matérialise" le réseau invisible qui relie les consciences. Même de façon virtuelle, cela n'en reste pas moins réel. J'ai commencé à écrire il y a cinq ans, avec l'impression de jeter une bouteille à la mer, dans cet océan de conscience, sans même attendre une réponse précise, je préfère la surprise! ;)
    Je constate que la distance n'empêche pas la proximité surtout lorsque l'on partage des choses extrêmement intimes (l'anonymat facilitant les choses) qui permettent à nos esprits de se refléter et ainsi de se reconnaître. Cela allège la peur d'être jugé ou mal compris ce qui est assez douloureux quand on évoque des choses aussi précieuses...

    Merci à vous, merci à la Vie!

    RépondreSupprimer