mardi 20 avril 2010

Les roses de Saadi

 

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J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
 Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir.

Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ;

La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l'odorant souvenir.

  Les roses de Saadi de Marceline Desbordes Valmore

Lorsque dans ma jeunesse, j'ai découvert ce poème, je l'ai trouvé très romantique, ce qu'il est par ailleurs. mais je ne m'étais jamais penché sur la question de Saadi. Qui est Saadi. A ma grande honte, je croyais qu'il s'agissait d'un lieu. Et cette vague réponse me convenait alors.
Aujourdh'ui, je le lis d'une toute autre façon.



Saadi n'est pas le nom d'une bourgade lointaine mais celui d'un poète persan  Mushrif-ud-Din Abdullah du XIIIème siècle. Il a écris en particulier ce recueil de conte « le jardin des roses » d'où le titre de Marceline Desbordes Valmore, qui selonwikipedia serait une série de contes moraux. Selon la même référence, un poème de Saadi ornerait l'entrée de l'immeuble de L'ONU à New York (à confirmer...). En voici l'extrait en anglais et traduit :

بنی آدم اعضای یک پیکرند، که در آفرينش ز یک گوهرند
چو عضوى به درد آورد روزگار، دگر عضوها را نماند قرار
تو کز محنت دیگران بی غمی، نشاید که نامت نهند آدمی

Of one Essence is the human race,
Thusly has Creation put the Base;
One Limb impacted is sufficient,
For all Others to feel the Mace.
Les enfants d'Adam font partie d'un corps 
Ils sont créés tous d'une même essence
Si une peine arrive à un membre du corps
Les autres aussi, perdent leur aisance
Si, pour la peine des autres, tu n'as pas de souffrance
Tu ne meriteras pas d'être dans ce corps
Traduit par Mahshid Moshiri
  
Il est triste de voir à quel point les gens ne savent pas lire (j'imagine le nombre de personnes influentes qui ont passé ce seuil sans mesurer la portée de ces mots) mais il est étonnant aussi de constater combien la sagesse est éternelle et nullement liée au progrès technologique et scientifique.

Il y a plus que de la morale dans les paroles de Saadi et je crois que Valmore l'a parfaitement saisi. La profondeur vertigineuse qui se lit entre ces simples mots me fait penser que ces deux poètes séparés par une poignée de siècles (environ six) se sont compris bien-audelà des mots.

Ce flamboiement de rose qui laisse son parfum sur la robe légère de Marceline n'est-elle pas une métaphore sublime de l'éveil. Ce parfum n'est-il pas celui de l'essence retrouvée, l'essence originelle du soi et de toutes choses et ce débordement n'est-il pas l'incapacité de l'intellect à contenir ou cerner l'illumination du poète (ou mystique mais selon moins l'un ne va pas sans l'autre)...

Je l'avais pressenti en relisant ce poème de Valmore et cela se confirme en relisant les mots de Saadi tellement évidents que comme la lettre volée de Poe nul ne les voit :


Les enfants d'Adam font partie d'un corps
Ils sont créés tous d'une même essence


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Miniature de Paul Zenker illustrant une édition de 1942 du Jardin des roses (wikipedia)

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