A l'origine les contes de fée et les mythes n'étaient nullement destinés à endormir les enfants. Tout au contraire, le conte est un éveilleur redoutable et malicieux. Nul ne se méfie d'un conte car il berce l'âme comme la danse des flammes dans l'âtre. Il y a une effet hypnotique du conte ou du mythe mais ce qui s'endort à son écoute laisse s'éveiller autre chose...
Si l'on étudie l'architecture d'un conte, on découvre une trame précise et infiniment répétée avec des nuances propres à chaque histoire.
Le conte est vivant. Il obéit aux même règles qu'un rituel initiatique destiné à chuchoter à l'oreille de l'ange qui sommeille en vous.
Ne cherchez pas à comprendre intellectuellement un conte car il n'obéit pas aux lois de ce monde.
Celui qui peut "entendre" les rêves nocturnes peut "entendre" les contes. Ils procèdent des même clés et ouvrent la même porte. La règle primordiale est de s'abandonner à l'histoire et à sa teinte particulière. De laisser les émotions prendre leur chemin dans les sillons tortueux du mental et atteindre la source. Toucher cette source vibrante comme un instrument à corde depuis longtemps éteint. Une éternité.
Le conte se déroule toujours hors du temps comme le suggère la formule vaguement lointaine du "il était une fois". Les histoires commencent souvent par une mort ou le héros est présenté comme orphelin. Le début raconte l'état de l'auditeur de façon détournée: tu es mort et il est temps pour toi de te réveiller. Mais pour cela il va falloir affronter la mort totale, l'épreuve ultime. Il va te falloir suivre le fil d'Ariane dans le dédale du labyrinthe. Tu crois naïvement que t'y attends la princesse captive mais n'oublie pas le Minotaure. Le monstre d'origine divine qui tourne sur lui-même en attendant de te tuer. N'est-ce pas cette même mort que Shéhérazade évite durant mille et une nuits?
Le conte parle d'une part de soi enfouie, oubliée, perdue dans la forêt et que parfois certains tentent de retrouver en semant des cailloux...La princesse, qu'elle se nomme Aurore, Blanche-Neige ou Cendrillon, belles dormant aux bois, n'est-elle pas ce germe lumineux que chacun porte en soi?
Elle est le soleil espéré, l'étoile inaltérable, le centre de l'être.
La blessure est là, toujours latente, dans chaque vie humaine. Qui n'a pas souffert? qui n'a pas versé de larme?
Le doigt piqué, le sortilège, nous plonge dans un sommeil sans rêve. Chaque jour nous croisons ces êtres endormis, cette foule de somnambules, qui font mine de vivre. Et nous le sommes parfois, souvent. Blessés par la vie, nous nous refermons, nous laissons pousser nos écailles, et le dragon veille à ne pas laisser émerger l'amour.
Il y a dans ce livre une histoire traditionnelle suédoise:
Du fait de l'infortune de ses parents, une jeune princesse nommée Aris fut promise en mariage à un terrible dragon. Lorsque le roi et la reine l'annoncèrent à la princesse, celle-ci eut très peur pour sa vie mais, reprenant ses esprits elle se rendit à travers le marché auprès d'une femme de sagesse qui avait élevé douze enfants et vingt-neuf petits enfants et connaissait les manières des dragons et des hommes.
Cette femme annonça à Aris qu'elle allait ffectivement se marier avec le dragon mais qu'il existait des moyens appropriés pour s'en approcher. Puis elle luidonna des instructions pour la nuit de noces et demanda en particulier à la princesse de revêtir à cette occasion dix robes magnifiques, l'une au-dessus de l'autre.
Les noces eurent lieu et il y eut une grande fête au palais. Puis le dragon emporta la princesse vers la chambre à coucher. Lorsqu'il s'approcha de son épouse, celle-ci l'arrêta en lui disant qu'elle devait enlever avec précaution toutes ses parures avant de lui offrir son coeur. Et sur les conseils de la vieille femme, elle ajouta qu'il devait, lui aussi, enlever précautionneusement ce qui l'habillait. Le dragon accepta de bon coeur.
"A chaque fois que j'enlève une épaisseur de robes, tu dois aussi enlever quelque chose." Alors, enlevant sa première robe, la princesse regarda le dragon se défaire de la première couche de sa cuirasse d'écailles. Bien que ce fut douloureux, le dragon avait déjà fait cela de temps en temps. Mais la princesse enleva une autre robe, et une autre encore. A chaque fois le dragon se vit obligé de retirer une épaisseur d'écailles de plus en plus profonde. A la cinquième robe, le dragon commença à verser de chaudes larmes de souffrance. Malgré cela la princesse continua.
A chaque nouvelle couche, la peau du dragon devenait de plus en plus tendre et sa silhouette s'adoucissait. Il devint de plus en plus lumineux et quand la princesse ôta sa dixième robe, le dragon laissa tomber le dernier vestige de sa forme de dragon et apparut en homme, un beau prince dont les yeux étincelaient comme ceux d'un enfant, enfin libéré du vieux sortilège d'être un dragon. La princesse Aris et son nouveau mari s'abandonnèrent en suite aux plaisirs de leur chambre nuptiale, suivant ainsi le dernier conseil de la femme de sagesse aux douze enfants et vingt-neuf petits enfants.
Heureusement, une part de nous reste en éveil et part en quête de cette aurore perdue, cette terre promise. Le prince apparait, franchissant la forêt de ronce pour atteindre le chateau aux potentiels endormis...Le chemin est rude et difficile mais l'amour donne toute sa force au jeune chevalier. L'amour bien sûr n'est encore qu'un espoir, une lueur entraperçue mais on sait profondément qu'il existe, qu'il attend un baiser pour s'éveiller et régner à nouveau sur son royaume.
J'ai une révélation à vous faire, un secret bien gardé que certains hommes régnant sur ce monde vous cachent depuis longtemps. Les fées existent...elles sont parmi vous. Méfiez-vous des apparences, elles ressemblent à tout le monde. Elles sont à vos côtés et veillent à ce que chaque ange retrouve sa lumière égarée. Elles sont les gardiennes d'un pouvoir perdu dont l'éveil n'est que le révélateur. Un pouvoir qui n'est en rien une domination mais une expansion. Seuls ceux qui éprouvent le désir de reconquérir leur royaume décèlent leur présence.
Je le sais, car j'en suis une...
Illustrations: Illustrations Alan Lee, Arthur Rackham, Brian Froud.
La part de soi enfouie, oubliée, qui est le "centre" de chaque conte, ne serait-ce pas notre part "divine" ?
RépondreSupprimerJe m'intéresse aux contes depuis très longtemps, on n'en fait jamais le "tour", c'est infini...de richessse et de profondeur... je crois qu'on peut dire d'eux qu'ils sont l'équivalent de "rêves collectifs"... et qu'il sont à recevoir avec la même reconnaissance que les rêves que nous recevons chaque nuit, cadeaux de notre âme pour nous aider à trouver le chemin vers notre part inconnue.
J'ai bien aimé l'histoire de la princesse aux dix robes, jamais entendue. Cela me rappelle un rêve ancien que j'avais fait : j'enlevais une couche de vêtements puis encore une autre, encore et encore, mais il y en avait toujours, ça n'en finissait pas !
J'ai parcouru les rayonnages d'une librairie aujourd'hui et j'ai trouvé le livre de Marcel gauchet: "le désenchantement du monde". Le conte tel qu'il est représenté dans notre société a perdu toute sa substance subversive, son pouvoir d'éveilleur. Il a été tué par la fixation de ses héros par des images (Disney & co) et donc figées ainsi que son abandon exclusif au monde des enfants alors que le conte était, avant l'apparition de la télé et des métropoles remplies de distractions (dont les salles obscures) réservé aux adultes.
RépondreSupprimerLe conte est un initiateur; il guide dans les ténèbres intérieures de l'homme et en lui dévoilant sa part animal et angélique, il lui révèle sa nature sauvage et incorruptible...(voir Pinkola Estes)
Le fonctionnement du conte en effet reprend les même clés que les rêves...Il est impossible au mental d'y avoir accès.
Bonne nuit à toi!