jeudi 4 novembre 2010

Mélusine ou le jardin secret

 


Dans l'ouvrage de Jacqueline Kelen publié en 2007, Melusine ou le jardin secret, on trouve cet extrait:

Celle qui plus tard déclinera son nom de Mélusine apparait comme une figure bénéfique qui ne réclame rien pour elle, mais exige de la part de l'homme un engagement total et le soumet à des conditions. Elle ne surgit pas dans la vie de Raymondin pour réaliser d'un coup de baguette magique tous ses vœux. Infantile et chimérique s'avère la conception d'une fée bienveillante ou d'un bon génie qui exauceraient tous nos souhaits même les plus futiles. Cette vision d'une aide surnaturelle qui maintient l'individu dans l'apathie et l'égoïsme reste tenace, et de nos jours elle se transpose aisément dans le domaine de la publicité qui promet monts et merveilles au consommateur dont tous les appétits et fantasmes sont par avance satisfaits.
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Or une bonne fée n'obéit pas aux caprices de l'homme, elle ne s'empresse pas de réaliser ses rêves passagers. Mais elle éveille son désir véritable, l'affine et l'oriente vers un accomplissement majeur, non réductible au destin terrestre. Autrement dit, s'il s'agit bien d'un parcours spirituel, elle n'intervient pas pour rassurer un mortel ni pour améliorer son sort, mais pour lui rappeler une promesse dont il doit se rendre digne.
Jacqueline Kelen
La légende de Mélusine datant du XIVe siècle vient du Poitou et a d'abord été contée par deux auteurs qui ont contribués à répandre cette légende au-delà des frontières de cette région. Il s'agit pour le premier de Jean d'Arras (dont ma rue porte le nom !...) qui écrit en prose « dans l'hiver de l'an de grâce 1392 », puis quelques années plus tard, d'un libraire parisien nommé Coudrette. 

C'est donc l'histoire d'un jeune chevalier, Raymondin, anobli par adoption qui part à la chasse avec son oncle. En voulant sauver son oncle de l'attaque d'un sanglier, Raymondin le tue accidentellement. Fou de chagrin, il erre dans la forêt ne parvenant pas à se pardonner ce geste malheureux. C'est alors qu'auprès de la Fontaine de Soif, il rencontre trois jeunes dames. L'une d'elle l'interpelle. Raymondin apprendra son nom seulement le jour de son mariage: Mélusine.

En répondant à l'appel de Mélusine Raymondin s'engage sur un nouveau chemin. La fée lui apporte toute la prospérité qu'un homme puisse souhaiter mais elle lui a fait promettre qu'en échange de sa main, chaque samedi, il ne vienne pas la visiter. Raymondin tombant dans le piège d'un frère jaloux romp le pacte en surprenant son épouse dans sa chambre. Celle-ci disparait aussitôt laissant son bien-aimé dans le désespoir le plus total.
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     Le nom de Mélusine, d'où découlera le nom du château de Lusignan, selon Jean d'Arras voudrait dire « merveilles » ou « merveilleuse ». Selon Coudrette :  « Merveille qui ne vient jamais à manquer ». Mais d'après Jacqueline Kelen, il faudrait plutôt chercher du côté de la graphie médiévale : Melusigne, c'est-à-dire le signe annonciateur du meilleur...

La fée est toujours le révélateur, le "signe", d'une part lumineuse enfouie comme une petite graine oubliée dans nos terres profondes et inconscientes. Regarder cette part de nous avec un regard neuf et pur sinon, comme cela arrive à Raymondin l'époux de Mélusine, on découvre notre part monstrueuse c'est à dire inconnue et inexplorée, non apprivoisée. La part sauvage qui peut sembler monstrueuse tant elle est éloignée de toutes les conceptions limitées de notre intellect.
    La fée cache sous sa robe un univers auquel n'a accès que ceux qui ont déjà accepté de briser leurs certitudes, ceux qui sont prêts à se laisser tomber dans le vide. La foi c'est cela et non une croyance arbitraire. Avoir assez confiance pour s'abandonner à un être aussi insaisissable et hors norme qu'est la fée... Là où il y a une fée, il y a souvent de l'eau car rencontrer une fée c'est comme un baptême. C'est une purification de tous les pseudo-savoirs que l'on croyait posséder, tous les repères.
Contempler le monde et les mythes avec son intellect, c'est un peu tenter de voir l'univers par le trou d'une serrure. Alice sait bien qu'il faut avoir la juste dose de connaissance et la "juste" connaissance pour franchir la porte.
Beaucoup d'auteurs ont été inspirés par Melusine. Breton, Goethe, Rabelais, Apollinaire...ces hommes ont répondu à l'appel de leurs soi sauvage, ils ont plongé dans le trou à la poursuite du lapin blanc.
Leur poésie n'en est que le doux témoignage.
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