jeudi 2 décembre 2010

Éloge à Jacqueline Kelen

Eloge à Jacqueline kelen


  
  J'ai rencontré Jacqueline Kelen pour la première fois dans un livre offert par une amie chère. Je l'ai    rencontrée à travers des mots incandescents, toute une nuit, l'âme en feu dans Marie-madeleine ou      un amour infini, le premier semble-t-il qu'elle ait publié (1982). Je me suis nourrie de ses mots et de     ce  style particulier, élégant, poétique et brûlant tout à la fois. 
        L'écriture de Jacqueline Kelen respire la transcendance et rends au livre toutes ses lettres de noblesses. Il devient vivant, palpable, entre nos mains. Il est la chair même de l'auteur qui se livre dans sa plus profonde intimité. Je me suis immédiatement reconnue dans cette écriture. Non pas que j'estime avoir le même talent, ou la même culture que cette auteure érudite( qui fut durant près de vingt ans productrice démission sur France Culture), mais je me sens familière de sa façon d'aborder le monde, l'amour et l'absolu. 
 O si ma figure était sale, c'était d'avoir roulé dans la fange des ivresses mortelles et d'avoir revêtu toutes les lingeries, les caprices, les fureurs de mes amants terreux. Moi, je ne demandais rien. J'étais, robuste et humiliée, la barque du passeur. Moi je parlais d'amour- d'amour inconnu, impossible. Mes caresses cheminaient vers l'ailleurs des étreintes, et je m'y consolais, et me berçais en même temps que leurs corps. Qu'importe si ma figure était sale, fardée d'absinthe et de crachats; je m'ouvrais toujours au flux de l'étranger.
Et jamais, passés sur l'autre rive, soldat ni prophète ne se sont retournés, ne virent la souvraine piétinée dans son sang.
Et dans la barque la chair mendiante et orageuse a recousu ses cris.
Moi je ne demandais rien. Ce que je cherchais me dépassait tellement. Je donnais tout, je voulais tout.
Je n'avais que mes larmes, mes mains et mes cheveux pour parer leurs guenilles.
Je n'avais que ma folie de femme, que ma forge de rose.
Et ils s'en sont allés, sans merci, tous mes amants terreux.
Jacqueline Kelen
Il émane de ces livres une passion ardente, d'un autre temps, l'exaltation de vertus oubliées qui rappelle celles exigées par la chevalerie, l'amour courtois, et autres noblesse d'âme. Les valeurs mystiques exprimées par Jacqueline Kelen sont des joyaux inestimables dans ce monde égaré.
J'ai pu la rencontrer enfin lors d'une conférence donnée à Marseille dans une librairie (l'Etoile du mage...pour ne pas la citer) sur l'ouvrage qu'elle venait alors de publier en 2005: Divine blessure
Quel bonheur de constater que cette dame (car il s'agit bien d'une noble dame) parle comme elle écrit, ce qui est de nos jours une qualité peu répandue. Peu de gens dans l'assistance ont saisi ce qu'elle voulait exprimer au sujet de cette blessure intime que nous portons tous et dont il ne faut pas guérir. Cette blessure, cette faille qui pousse notre être à se transcender, à revenir à lui. Les questions posées n'étaient qu'un survol de cet incroyable sujet. Un tel sujet n'appelle qu'au silence, un silence véritablement religieux (reliant).
Je me suis imprégnée de sa personne, de sa présence comme je le fais des gens que j'aime, et je l'ai trouvée telle que son écriture la dévoile: d'un autre monde.
Elle a gentiment dédicacé mon livre (celui sur Marie-Madeleine) et échangé quelques mots. Aujourd'hui, je crois intimement que sa présence a activé quelque chose qui était en train de se défaire en moi, cette mort qui allait se produire quelques mois plus tard, ce que je nomme éveil et qui est pourtant si loin de tout ce qui peut être nommé, qui est derrière tout ce qui peut être nommé.



J
Jacqueline kelen est peut-être une fée, de cette race de femme dont elle décrit les pouvoirs d'initiatrice: 
On a beaucoup calomnié Eve et on lui a fait un fort mauvais procès car Eve, en réalité, signifie la vivante. Or, s'il est une caractéristique féminine par excellence, c'est bien cette qualité de vivante. C'est à elle que la Femme, dans les femmes que nous sommes, doit sa dimension d'initiatrice auprès de l'homme. Une initiation qui n'a rien à voir avec le kamasutra ou les jeux sexuels... C'est la Shakti qui danse sur le corps de Shiva dans la tradition hindoue, la femme qui danse sur le corps de l'homme dans les traditions antiques... Dans l'acte amoureux, la femme fait cadeau à l'homme de son corps à lui, elle lui donne le sens de son corps à lui.
Extrait d'interview trouvé ici
Elle est sans doute l'héritière d'une lignée très ancienne de personnages féminins, abordés dans ses ouvrages à travers divers mythes et contes, telles que Mélusine, Marie-Madeleine, Sheherazade et bien d'autres encore plus ou moins connues par le commun des mortels. Une lignée à laquelle je me sens appartenir sans trop vouloir l'exprimer pour ne pas briser le secret.
Après, Divine blessureEloge des larmes et du printemps (quel titre!), Mélusine ou le jardin secret, me voici actuellement plongée dans les pages d'un chemin d'ambroisie dont je vous livre un extrait afin de vous en faire goûter l'indicible saveur:
Lorsqu'un individu est éveillé, il n'a plus de famille nulle part. c'est en ce sens que jésus parle de "haïr son père et sa mère" et affirme n'avoir nul endroit où reposer sa tête.
Aujourd'hui, je ne puis croire, croire sans questionner, que Jésus est le Fils unique de Dieu, comme l'enseigne le dogme chrétien, qu'il est venu sauver l'humanité par son sacrifice et sa mort ignominieuse. Mais de tout mon coeur je l'aime et l'admire et je le révère immensément parce que j'ai entendu sa voix qui indique à l'homme sa liberté insigne. Jésus est un grand éveilleur, comme le fut Socrate, comme le fut Bouddha. Or, un éveilleur n'est pas, ne peut pas être un fondateur de religion. Cela, c'est une invention postérieure, une récupération humaine. Un éveilleur ne requiert ni disciples, ni dévots, mais il suscite des amis. Autrement dit, Jésus n'est ni catholique, ni orthodoxe ni protestant, à peine est-il chrétien.
Lorsqu'un individu est éveillé, il n'est plus désireux de former un groupe, une communauté, ni de fonder une religion. Mais il n'a de cesse d'éveiller d'autres consciences à leur liberté infinie. C'est le cas de Don Quichotte, selon le mythe puissant de Cervantès. C'est aussi, au XXe siècle, l'intransigeant, l'irrécupérable Krishnamurti. Quant à Osho, rattrapé par les passions mondaines et entouré de dévotes, il montre que sa liberté d'esprit n'est pas totale et qu'il évite lui aussi la terrible solitude qui s'y attache.
Extrait d'Un chemin d'ambroisie, Editions la table ronde.
Je suis toujours touchée de rencontrer une personne qui semble avoir les mêmes penchants suspects pour la solitude, les mots, et les fées que moi. 
Pour visionner Jacqueline Kelen, vous pouvez faire un tour sur le blog d'Acouphène...

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