jeudi 31 mars 2011

Les lettres beit et ba



La Genèse en hébreux commence par le mot Bereshit  que l'on traduit communément (et commodément) par "au commencement". Ce mot non seulement ouvre le Livre de la création mais aussi le contient tout entier en l'intitulant. Il en est en quelque sorte la matrice...

Le Bereshit est le Livre de la Genèse, appelé ainsi en hébreu du premier mot qui le compose et dont le Tradition nous assure qu'il contient la totalité de la Torah. A son tour le premier mot, dit-elle encore, confie son secret à la première lettre, le beit. La lettre beit ouvre et recouvre notre Livre sacré. Elle est le "Toi" jailli des lèvres divines comme une semence d'amour livrant cette "autre" qui ne peut être autre sans rompre l'infini de Dieu!

Mais ô merveille, elle est rupture et non-rupture; ensemencée de Lui, elle porte son infinitude; crée, elle est matrice d'Incréé; face à Lui, le Un, et lourde de Lui, elle est le "deux"; elle est aussi soumise à la dualité; constituée de pôles opposés et complémentaires dont l'un ne peut être sans l'autre, elle est récapitulée dans l'homme et la femme.
Au-delà de toute dualité, Dieu Un ne se révèle mâle, archétype du masculin, que dans son rapport à la Création alors toute entière féminine par rapport à Lui, tout entière aussi contenue dans la lettre beit de valeur 2 et de vocation fodamentalement matricielle.

Première lettre du Bershit, mystère du Créé, celui de l'humanité (hommes et femmes), elle est née de "Rien", Me'Ayin en hébreu, nous dit la Tradition. Ce Rien ('Ayin) est le premier Nom divin révélé, le point ultime d'une contraction, d'une abnégation totale de Celui qui se fait "Rien" pour que l'"Autre" soit: absence-présence à la plus extrême pointe du point, qui est et qui n'est point!

Annick de Souzenelle - Le féminin de l'Être

Les Ecritures ont été desservies par la traduction, vidées de leur substance, castrées. La traduction a certes permis leur diffusion    mais n'a rien apporté à la compréhension. Rien n'est du au hasard et si les textes restent hermétiques, c'est qu'ils demandent à être lu autrement. Il nous incombe d'aller chercher le sens véritable et profond de chaque, mot non pas en survolant les mots, mais en pénétrant en soi. Aller chercher la Vérité dans la profondeur.  Nul personne ne peut accomplir ce chemin à notre place.

Nous vivons dans un monde d'illusion, une illusion tissée par le diable (le calomnieur) qui s'évertue à inverser, renverser, tout mélanger (chaos) afin de semer le trouble et la discorde. Il divise certes mais à partir d'un semblant d'unité, une unité purement matérialiste. Le mal ne se répand pas la plupart du temps de manière ouverte et claire. Il se répand sournoisement, de façon insidieuse et la plupart des cas ceux qui font le mal sont persuadés de faire le bien.

Celui qui n'est pas vigilant, éveillé, méditant (c'est à dire: agissant à partir du centre médian, du Soi) tombe rapidement dans le péché qui n'a rien à voir avec une morale branlante et changeante au gré des vents, mais plutôt avec la capacité de choisir entre l'illusion ou la Vérité en toute chose.

L'unité que l'on doit chercher n'a jamais cessé d'être. Seul notre regard a le pouvoir de changer. Le libre-arbitre n'est autre que le choix du regard que nous portons sur les choses. Et les textes sacrés nous exhortent à ouvrir notre regard, à asservir le mental, le rendre à son véritable rôle pour laisser la parole divine se répandre dans notre coeur et lui rendre la vie.

Il nous appartient donc de percevoir l'Unité, le Fil conducteur de l'Un qui nous guide à travers les dédales du monde fourvoyeur. Plus nous sommes dans l'illusion, plus la Vérité va nous sembler innaccessible voire impossible. Mais à celui qui pratique le retrait, qui parvient à s'effacer, se soumettre, la Vérité se dévoile comme une fiancée promise, une bénédiction, une source infinie de joie pure. Il suffit d'ouvrir les yeux, de regarder avec amour, non pas condescendance mais avec la plus extrême pointe du point...

Par exemple, si nous suivons le fil, la Bible commence par Bereshit, le lettre beit, dans la langue originelle qu'est l'hébreu. Or, l'hébreux est la racine de l'arbre sémitique dont les ramures éclatantes ont fait fleurir deux autres langues : l'araméen et l'arabe.

Deux prophètes parlaient ces deux langues: Jésus (l'araméen qui fut traduit en grec puis en latin pour arriver jusqu'à nous) et Mahomet (Muhammad en arabe).

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 Milieu du VIIe siècle Encre sur parchemin, 29,1 x 24,5 cm, BnF, Manuscrits orientaux, arabe 328, f. 10 à 14.

Le Coran ou Qur'an commence par une sourate que le musulman ( muslim en arabe qui signifie en arabe "celui qui se soumet") doit réciter plusieurs fois durant les cinq prières quotidiennes: la fatiha. 


[1] Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. 

[2] Louange à Allah, Seigneur de l'univers. 

[3] Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux, 

[4] Maître du Jour de la rétribution. 

[5] C'est Toi (Seul) que nous adorons, et c'est Toi (Seul) dont nous implorons secours. 
[6] Guide-nous dans le droit chemin, 
[7] le chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs, non pas de ceux qui ont encouru Ta colère, ni des égarés.


Cette sourate est considérée comme l'ouverture du Livre Sacré, et même sa matrice. En effet, le Coran selon la Tradition a été révélé au Prophète  par l'intermédiaire de l'ange Gabriel, pour rectifier le message de la Bible que les hommes avaient déformé. Le Coran est donc la continuité de l'Ancien et du Nouveau Testament qu'il reprend et corrige. On retrouve ainsi la première lettre beit de la Genèse dans celle de la Fatiha qui commence en langue arabe par Bismillah, la lettre ba


La lettre "ba", de la formule Bismillâh (au Nom de Dieu), est une particule d'implication qui signifie ceci : C'est par Dieu que les êtres contingents se sont manifestés et c'est par Lui que les créatures sont venues à l'être pour devenir existantes. Ainsi, il n'y a aucun être contingent et créé, aucun être qui advient et qui est ordonné, qu'il s'agisse des essences concrètes, des effets, des poussières, des varia-

dons, des pierres, de la terre, des étoiles, des arbres, des traces, des vestiges, des idées, des sensations, des dispositions de sagesse ou des causes dont l'existence n'est pas due à Dieu, dont Dieu n'est pas Le Roi, dont le commencement n'advient pas de Dieu et dont le retour n'aboutit pas à Dieu. C'est par Dieu que trouve celui qui affirme l'unicité divine. C'est par Dieu que nie celui qui mécroit. C'est par Dieu que celui qui Le reconnaît est devenu connaissant et c'est par Lui qu'est ravalé celui qui a commis des forfaits. Car Dieu a dit Bismillâhi (Au Nom de Dieu) et n'a pas dit billâh (Par Dieu) pour qu'on recherche les bénédictions en mentionnant Son Nom, comme le suggèrent certains exégètes, et pour bien marquer la différenciation entre le Bismillâhi (au Nom de Dieu) et le serment billâh (par Dieu) selon d'autres (ndt: le ba correspond dans nôtre traduction à "AU" dans "au Nom de Dieu").


Il reste que pour les savants que le nom, c'est le nommé, tandis que pour ceux qui possèdent la connaissance spirituelle, il s'agit d'arracher les secrets aux entraves et de purifier les coeurs des attaches pour que l'affection, accompagnant l'articulation du Nom Allah, touche un coeur purifié et un secret intime transparent. L'évocation de ce Verset (c'est-à-dire Bismillâhi al rahmân al rahîm Au Nom de Dieu le très Miséricordieux, le tout Miséricordieux) rappelle à d'autres que le ba symbolise Sa bonté (birr) envers Ses Amis, que le sin indique Son secret (sirr) avec Ses Élus et le mim représente Sa faveur (mann) pour ceux qui ont mérité Son amitié afin qu'ils sachent que par Sa bonté, ils ont connu Son secret, par Sa faveur pour eux ils ont préservé Son commandement et par Lui - qu'Il soit exalté -ils ont su Sa véritable valeur.


D'autres, en entendant Bismillâh, se rappellent que le ba constitue une exemption de Dieu, - qu'Il soit exalté - contre tout méfait, que sin indique que Dieu - que Sa toute Puissance soit magnifiée - est prémuni contre tout déficience ou imperfection et que le mim représente Sa gloire - qu'Il soit exalté et magnifié - en vertu de la magnificence de Sa qualification.


D'autres encore se rappellent, en évoquant le ba, Sa beauté éclatante, en évoquant le sin, Sa magnificence éblouissante et en évoquant, le mim, Son mulk (royaume).


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