samedi 25 février 2012

Reprojeter l'ombre





Vassilissa entra dans la maison avec un sentiment de triomphe, car elle avait survécu à son dangereux voyage et rapporté le feu. Mais le crâne fixa son regard incandescent sur la marâtre et ses filles, et ne les quitta plus des yeux, si bien qu'au matin il avait réduit le cruel trio en cendres.*


C'est ainsi que le conte se termine tout comme ce cycle de réflexion sur la belle Vassilissa devenue sage grâce à l'initiation de Baba Yaga. Ce fil a été une source d'éclaircissements et de réflexions enrichissantes à mettre en parallèle avec mon cheminement sur les rêves. J'en sors comme Vassilissa avec un feu nouveau pour ouvrir  le chemin. 

Je témoigne sur ces pages d'un éveil et j'ai cru longtemps que cet éveil était une fin en soi. Il était certes une réponse à la question vivante que je suis (que nous sommes). Il est La Réponse de Dieu à mon appel pressant. Mais il faut du temps pour comprendre une telle Réponse, pour la vivre c'est à dire l'incarner pleinement. C'est une grâce que nous devons tâcher de ne pas trahir par les faiblesses inhérentes à ce vécu douloureux de l'exil. L'unité ne peut être vécue qu'à travers la dualité et non  dans la fuite (et Dieu sait si elle s'offre à chaque tournant!). Les refuges de l'extase sont très attrayant mais ne nous permettent pas d'apprendre tout ce que ce monde offre. Il existe un test très facile pour vérifier si nous avons réussi notre voyage retour avec le crâne flamboyant, si nous sommes parvenu à quitter la chaumière bouillonnante de la Yaga...

Il suffit de regarder où nous en sommes dans nos relation à l'autre, à notre famille, nos amis; comment nous vivons notre spiritualité dans le quotidien, notre rapport à l'argent (aïe ça fait mal!). Et je crois que le plus évident, le plus éclairant à ce sujet, c'est comment vivons-nous l'amour?...quel retour de la vie recevons-nous?

La vie nous répond à chaque instant, comme le rêve ou les mythes, elle nous offre toujours la possibilité de trouver un équilibre.

Ce voyage dans la forêt profonde se fera de nombreuses fois au cours d'une vie, à la façon d'une spirale de connaissance (voir celle de l'adn dans laquelle, au coeur de nos cellules, est encodée toute l'information humaine depuis l'origine...) et non plus comme un cycle fermé (karma). Il nous permet de connaître la véritable Initiation  (du latin initiatio, are, ium = commencement), non celle inculquée de l'extérieur par le biais d'un groupe religieux ou spirituel, mais l'Initiation inspirée par les cycles naturels de la vie et de l'expérience. A chaque fois un nouveau commencement, une nouvelle genèse afin de s'approcher du divin. Après les épousailles, vient le temps où l'on apprend à se connaître...

Je laisse le mot de la fin à Clarissa Pinkola Estés, avec ce passage de Femmes qui courent avec les loups qui m'a personnellement ébloui par la vérité qu'il exprime.
Toutes les femmes (note perso: et les hommes) qui se réapproprient leur intuition et les pouvoirs de baba Yaga sont à un moments tentées de les rejeter. A quoi sert, en effet, de voir et de savoir tout cela? La lumière du crâne ne pardonne rien. Les gens âgés apparaissent comme des vieillards, la beauté devient de la luxuriance, la sottise de l’imbécillité, l'ivresse de l'ivrognerie, l'infidélité de la trahison, les choses incroyables des miracles. La lumière du crâne est celle de l'éternité. Elle brille au front des femmes, comme une présence qui se porterait en tête et reviendrait leur dire ce qu'elle a vu. Elle est perpétuellement en reconnaissance.
Or, voir, sentir de la sorte oblige à agir sur ce que l'on découvre: une bonne intuition, un bon pouvoir, c'est du travail en perspective. Il est d'abord nécessaire de surveiller, de prendre en compte les forces négatives et les déséquilibres au détriment de l'intérieur comme de l'extérieur. Ensuite on doit bander sa volonté pour agir par rapport à ce qu'on découvre, que ce soit pur améliorer, équilibrer ou permettre à quelque chose de vivre et de mourir.
Je ne vais pas vous mentir, il est plus facile, c'est vrai, de jeter au loin la lumière et d'aller dormir. Avec la lumière devant nous, nous voyons parfaitement tous les aspects de nous-même et des autres, du disgracié au divin en passant par tous les états intermédiaires.
C'est pourtant avec cette lumière que viennent à la conscience les miracles de la profonde beauté du monde et des êtres. Elle permet de dépasser la mauvaise action et de voir le coeur empli de bonté, de découvrir l'esprit délicat écrasé sous la haine, d'être compréhensive au lieu de ne pas comprendre. Elle peut faire la différence entre diverses couches de personnalité, d'intentions, de motivations chez les autres, entre conscience et inconscience, chez soi-même comme chez les autres. C'est la baguette magique de la connaissance, le miroir où l'on sent et où l'on voit toute chose. C'est la nature sauvage profonde. 






*Extrait du conte la belle Vassilissa par C.Pinkola Estés dans Femmes qui courent avec les loups.

3 commentaires:

  1. Voilà qui clos admirablement cette série d'articles tous plus pénétrants et inspirants les uns que les autres. J'ai été très émue par la dernière vidéo de cet enlumineur. Nos questionnements et nos chemins en miroir sont plus que jamais d'actualité, tu m'aides ici à résoudre, même si partiellement, ma propre quadrature du cercle, aujourd'hui je saisis mieux les messages récurrents que j'ai reçu récemment sur le délicat équilibre qui consiste à matérialiser l'esprit et à spiritualiser la matière. Bien des choses à te dire encore, mais peut-être de vive-voix très prochainement ? ;)
    Je t'embrasse

    RépondreSupprimer
  2. Je crois que nous ne choisissons pas nos pseudo "par hasard" ma chère Tempérance! L'archétype que désigne nos noms sont sans doute un sens vers lequel nous devons tendre...

    "Nout" est pour moi un pseudo très révélateur symboliquement de ma démarche (ou mouvement parce que "démarche" me semble trop volontaire) personnelle...

    Je t'embrasse aussi! :)

    RépondreSupprimer
  3. " L'éveil, c'est l'humilité, c'est arrêter de prétendre être ceci ou cela, arrêter de prétendre être auteur, arrêter de prétendre diriger sa vie, se rendre compte que le courant des choses est là et se donner à ce courant sans vouloir diriger. Quand vous lisez Ib'n Ata Allâh al-Iskantari, Layman P'ang, ou la Ribhu Gita il y a ce même silence, cette même humilité qui ont présidé à l'expression. Mais il n'y a pas d'éveil personnel. Quand Eckhart finit son sermon, il dit toujours, d'une manière ou d'une autre: «Prions pour que cette vérité prenne corps en nous.» Il ne prétend jamais être dans la vérité.

    (...) L'éveil est soudain alors que la transformation du corps, dans l'espace-temps, est progressive. On n'a même pas besoin d'en parler, dans le sens où la recherche de l'éveil n'est pas la recherche de ces expressions. En profondeur, elle est le pressentiment d'être libre. Cela n'a rien à voir avec un effet. On pourrait dire que c'est presque dommage qu'il y ait ces effets. Ce qui importe, c'est de se sentir libre. "

    Eric Baret

    RépondreSupprimer